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Aujourd’hui encore, l’Enfant “surdoué” n’est souvent repéré que lorsqu’il développe des désordres psychologiques.
Pour autant, lorsque le diagnostic est posé, la question de l’épanouissement de cet Enfant reste entière.
Pourquoi ces profils nous sont si difficilement accessibles? Pourquoi nous mettent-ils si souvent en marge de la compréhension? En abordant la problématique par la fiction audiovisuelle, nous proposons une approche qui pourra compléter la littérature spécialisée en présentant des cas concrets, aussi riches que différents.
Éléments de réflexion
Surdoué, Enfant à Haut Potentiel, Enfant précoce, ou Atypique Personne dans l’Intelligence et l’Émotion… Depuis des dizaines d’années, de nombreuses dénominations s’amalgament dans notre compréhension et activent des représentations souvent éloignées de ce que vit cet Enfant si singulier. Mais à défaut de le nommer, on s’attache aujourd’hui à mieux l’identifier, afin de mieux l’accompagner dans sa scolarité et dans son chemin de vie.
Au-delà des vicissitudes scolaires et l’aspect marquant du développement des compétences, c’est la question de l’épanouissement de l’Enfant qui est à nouveau posée dans un cadre plus large que celui de l’agent économique de demain. Du besoin affectif au besoin d’espace, l’Enfant surdoué interpelle sans cesse notre attention, et met à l’épreuve notre aptitude à la différence et notre appréhension de l’inconnu.
“Il n’est point de jardinier pour les hommes” : disait Antoine de Saint-Exupéry. Nous sommes invités à “réaliser” l’accompagnement bienveillant qui implique l’absence de carnet de route, une disponibilité attentive et une aptitude au retrait, nécessaire à l’épanouissement de l’Enfant surdoué.
En revenant aux fondamentaux du métier d’éducateur, nous prenons à nouveau le risque de donner la confiance à l’Enfant, et reconnaître en lui un Maître, en compagnie duquel, nous grandissons aussi. En ce sens, on peut voir en ce drôle de “zèbre”, un ambassadeur de l’Enfance.
Le Besoin de Reconnaissance
Depuis la disparition de sa mère, Flint Lockwood souffre d’un manque de reconnaissance. Son père lui, n’a jamais su trouver les mots pour l’encourager et, après une série d’inventions peu convaincantes voire désastreuses, ce dernier décide qu’il est temps pour Flint de mettre un terme à ses recherches et de venir travailler avec lui, dans le magasin de pêche familial. Flint Lockwood fonctionne à la confiance ; il n’est jamais plus motivé que lorsque l’on croit en lui. Ses efforts sont orientés alors vers la démonstration qu’une de ses inventions pourra sortir sa ville de la crise. Ainsi, à travers la reconnaissance du Maire et des citoyens, il espère obtenir celle de son père. Mais au bout du compte, dans cette recherche de reconnaissance, dans le zèle démonstratif, Flint Lockwood dérive aux limites même du désastre ; un désastre d’une portée cosmique, aussi retentissant que son désespoir intérieur. Être reconnu oui, mais pas à n’importe quel prix : après une phase de griserie et d’égarement, le jeune inventeur est rattrapé par son sens éthique. C’est dans la nécessité de réparer son erreur et grâce au soutien d’une âme-soeur -qu’il trouve en la personne d’une météorologue stagiaire, dépêchée sur son île pour relater les événements, que Flint Lockwood atteindra finalement son père et mettra son univers en équilibre.
Le Besoin de Justice
Adapté du classique de la littérature jeunesse écrit par Roald Dahl, le film “Matilda” est resté fidèle à la trame du récit marqué par de forts contrastes et dont le ressort principal est le refus de l’injustice. Flanquée de parents abrutis et indifférents, c’est dans le cadre familial que Matilda mènera ses premiers combats contre l’injustice. À l’école, par la confrontation avec la directrice tyrannique, c’est un véritable choc de titans qui s’annonce. C’est face à des situations d’injustice insoutenable, que Matilda va activer ses compétences de psychokinésie. Elle apprendra alors à maîtriser ses nouveaux pouvoirs afin de réhabiliter un ordre des choses et par là-même, tracer sa nouvelle trajectoire de vie.
Le Brûlot Affectif
L’histoire bouleversante de l’enfant au violon, adaptée d’une histoire vraie, se projette sur toile de fond de la politique démographique chinoise. Liu Cheng est un simple cuisinier et rêve de conduire son fils prodigieux sur les chemins de la gloire et lui offrir ainsi un raccourci vers l’ascension sociale. Ensemble, ils s’embarquent pour Pékin à la recherche d’un professeur qui pourra poursuivre son éducation musicale. Dans la Grande ville, dans un climat social où les émotions sont étouffées et où l’argent préside à toutes les relations, XiaoChun, alors jeune adolescent rêve d’autres conquêtes et c’est ainsi qu’il se lie d’amitié avec la belle Liu. Lentement cependant, l’étau va se resserer autour de lui, entre cet amour platonique et les ambitions de son père, pour révéler en fin de compte la puissance de l’amour entre le père et fils. Dans la Grande gare de Pékin, territoire-même de l’indifférence et de l’anonymat, territoire de l’abandon, XiaoChun lance un brûlot à l’encontre de son père.
La Dyssynchronie Sociale
La furie nocturne est un spécimen à part parmi les dragons, tout comme Harold l’est parmi son peuple de Vikings ; un peuple centré sur des valeurs ancestrales et la haine des dragons. Harold est en dyssynchronie avec les adolescents de son âge mais également avec les valeurs de tout le clan. La rencontre est alors aussi inévitable que salutaire entre cet enfant isolé et le dragon prodige. Alors qu’il tient le dragon blessé à sa merci et qu’il lui suffit de le mettre à mort pour être intégré avec les honneurs dans la vie du groupe, Harold écoute sa voix intérieure et cède à son empathie. L’enfant est alors fasciné par ce dragon méconnu en lequel il se reconnaît. Il découvre que la haine qui anime son peuple n’est fondée que sur la peur primitive de l’étrange. L’un et l’autre s’apprivoisent et la relation au dragon ouvre la voie royale de la réintégration du jeune garçon à son groupe. Mais davantage encore, par le séisme que sera la révélation de cette communion contre nature, le dragon et l’enfant ébranleront les paradigmes qui fondent leurs communautés respectives et ouvriront le village Viking à de nouvelles perceptions.
Le Décalage Identitaire
Depuis son enfance marquée par l’indifférence, la négation de ses talents et l’humiliation, Gru n’a jamais pu rallier sa mère à son génie pourtant évident. Dès lors, il se lance à la conquête de coup d’éclats conformes aux références reconnues par la mère. Ainsi s’amorce pour lui le processus de décalage identitaire, c’est le moment où il commence à se créer un personnage : celui du Méchant. Alors qu’il adopte trois orphelines dans le but de les instrumentaliser pour pénétrer la forteresse de son rival, le champion des méchants dénommé Vector, Gru est rattrapé par sa véritable nature. Malgré les enjeux qu’il s’était fixés, il saura témoigner de l’amour à ces enfants et ainsi se retrouver lui-même et les adopter véritablement, à contrepied du modèle maternel.
Le Conflit des Enjeux
L’histoire du “Petit Homme” décrit la trame silencieuse des enjeux qui se dessinent autour de l’enfant surdoué. Lorsque son potentiel est repéré par un institut prenant en charge les enfants surdoués, Fred se retrouve dans l’étau, entre une mère qui souhaite l’inscrire dans la normalité et une psychologue qui voudrait le prendre sous sa tutelle afin de développer son potentiel. Il se retrouve tiraillé entre des enjeux posés par d’autres comme il fait le grand écart entre ses compétences du génie et ses besoins affectifs. Mais Jane, la psychologue semble elle-même souffrir encore des choix qui lui ont été imposés enfant ; dans sa relation trop didactique, focalisée sur le potentiel de Fred, elle ne parvient pas à combler ses besoins affectifs. Fred finira par quitter la ménagerie en pleine parade de démonstration pour retrouver sa mère. Jane Grierson nourrie de cette aventure, écrira un livre sur ce “Petit Homme” et s’en trouvera réconciliée avec elle-même.
L’épreuve des paradigmes
La transposition de la problématique de la surdouance au monde des fourmis offre un angle intéressant. Nous sommes dans une société caractérisée par une organisation hiérarchisée en colonie dont les membres sont indissociables de celle-ci. Ce mode d’organisation sociale basée sur l’eusocialité impose que chaque individu “rentre dans le rang” pour y tenir son rôle. Tilt avec son esprit inventif et son audace déroge à cette règle naturelle et prêche en plein désert. Ses propositions progressistes, sa volonté d’en finir avec le racket des sauterelles sont tout simplement inconcevables pour la colonie. La vie de Tilt finit par ressembler à une accumulation d’échecs, car le succès et la reconnaissance viendrait de son utilité au groupe or, l’inconcevable n’est d’aucune utilité. Son peuple tout entier, jusqu’à la reine et la jeune princesse qui doit lui succéder, est tenu par la peur et le repli dans les traditions. À leur perception linéaire et primitive, s’offre la pensée arborescente et globale de Tilt qui voit sa communauté dans toute sa grandeur. Le glissement de la fourmi au modèle humain s’opère où Tilt produit un véritable élan de civilisation et ce, par la désobéissance. Celui-ci devra passer en force et créer des situations catastrophiques pour que le déclic se produise et libère le cycle de la confiance qui lui donnera, à défaut de son rang, une place parmi son peuple qui a su retrouver sa dignité et une grandeur nouvelle.
Chemins de Traverse
Pour Josh Waitzkin, très vite, les choses deviennent trop sérieuses. Il remportait jusqu’alors toutes les compétitions d’échecs avec une certaine légèreté. Mais un jour pourtant, la défaite se présente et il mesure alors le poids du fardeau qui s’est accumulé sur ses jeunes épaules. Ce qu’il vivait comme un jeu a pris une importance capitale pour son entraîneur et pour son père. Et rôde toujours le fantôme du champion d’échecs Bobby Fischer, installé comme une figure de référence. Mais Josh a son style propre marqué par une profonde empathie et le respect de l’adversaire qu’il ne saura jamais détester pour gagner. Pour ses “coups” également, il va s’en remettre à son intuition et suivre son étoile dans la nouvelle partie qu’il va mener contre Jonathan Poe, celui qui l’avait précédemment vaincu. Puisant suivant l’inspiration du moment, dans les enseigements contradictoires de ses deux instructeurs, Il va quitter le sillage de Bobby Fischer pour emprunter des chemins de traverse et faire véritablement acte de création. C’est ainsi qu’il se retrouve lui-même dans le plaisir de jouer aux échecs.
Des Ailes de Géant
Les choses se compliquent pour Vitus lorsque sa mère abandonne sa carrière professionnelle pour s’occuper de son éducation. La vie simple devient alors vite pesante avec des questionnements et des enjeux que le jeune garçon ne se pose pas. Il trouve cependant un certain réconfort et une certaine inspiration auprès de son grand-père. C’est ainsi qu’il va simuler à la suite d’un accident, la perte de ses facultés intellectuelles pour redevenir enfin un garçon comme les autres. Par cette mystification, il s’amènage du champ pour vivre à son rythme et enfin, déployer ses ailes. Alors que ses parents pensaient devoir le “jardiner”, c’est lui qui veillera à trouver une issue salutaire à la situation financière de son grand-père et à la faillite de l’entreprise de son père. Leurs destins ainsi s’entremêlent et par son épanouissement, il induit l’épanouissement de toute sa famille.
Deviens-ce que tu es!
Dans ce scénario d’une extraordinaire subtilité, l’enfant revit l’expérience de la différence à travers sa relation au Géant de fer. Hogarth se retrouve à devoir accompagner cette créature de métal perdue, comme un enfant “que les gens ne sont pas prêts à rencontrer”. Avec l’aide de Dean, un ferrailleur artiste avec lequel il développe une véritable connivence, il formeront le couple de tuteurs qui découvrira progressivement les singularités de cette créature prodigieuse venue de nulle part, tout en la préservant de l’hostilité ambiante. Le géant est frappé par des questions existentielles sur la vie et la mort, le bien et le mal et il apparaît qu’à l’agressivité qu’on lui témoigne, il peut développer des réactions d’une grande violence. Déprimé alors par cette image du méchant géant qui lui est renvoyée, le géant s’enfuit pour se retrouver très vite sous les feux de l’armée. Hogarth ne lâchera jamais son ami, et c’est lui en rappelant que “l’on est ce que l’on choisit de devenir”, que le géant désarmera et dans un ultime élan, se réalisera en sauvant la petite ville de l’holocauste atomique. Durant cette aventure, le géant aura été pour Hogarth le miroir de sa relation à l’autre. C’est de cette expérience fondatrice qu’il saura assumer sa place dans le monde.
7 Comments
Wild
Bonjour,
Merci pour votre site , il est très enrichissant !
Personnellement je rajouterais “Raiponce” qui, en plus de dresser un portrait plutôt exhaustif du HP, pose le problème du HP et du PN (Raiponce et mère Gothel)
Rezzoug
Bonjour,
Je suis en pleine excursion de votre site que je ne connaissais pas. Il me parait bien atypique et vous en remercie !
Pour ma part, je citerai aussi l’animation Fourmi’z qui répond assez bien à cette hyper lucidité des douances différentes.
Merci encore à vous, je m’en vais soigneusement faire une copie de votre adresse !
Leïla
Henri Sequeira
Bonjour Leïla,
Nous n’avons pas vu Fourmi’z, mais dès que nous visonnons un film qui s’inscrit dans une de nos thématiques et qui y apporte un nouveau regard, nous faisons une mise à jour. Merci pour cette notification et Merci pour votre intérêt. @++
VanessaV
Très très belle sélection, qui parle de la surdouance mais aussi de bien plus… les attentes parentales même sur enfant “normal”, la normalité justement, le rapport à l’autre, à l’enfance…
Merci, cela donne des pistes!
Henri Sequeira
Bonjour Vanessa,
Oui, dans la fond c’est la question de la différence qui est posée et, en étant attentifs, on se compte que c’est une thématique dans de nombreuses productions audiovisuelles et littéraires pour la jeunesse. Merci de ton regard sur cet article. @++
choupinettevie
Merci d’avoir pris le temps d’écrire un mot sur le sujet…je ne connais qu ‘une partie de ces films. En effet, c’est un sujet fort difficile… et qui est source de beaucoup de malentendus avec la population en général (monde enseignant ou autres…): je me rends bien compte dès que j’évoque le sujet des 2 filles testées chez moi (il faudrait sans doute le faire aussi pour les garçons), les amalgames sont vite nombreux, et les idées fausses ont la belle vie…
C’est une vie très difficile pour les parents qui doivent toujours “courir” derrière leurs enfants pour tenter de répondre à leurs besoins si nombreux et profonds, d’une même intensité intérieure que les périodes sensibles évoquées par Maria Montessori…Ces enfants sont hyper sensibles et émotifs, ce qui fait dire à beaucoup de gens qu’ils ne sont pas matures, un comble!
Mais ils sont d’une énergie incroyable pour découvrir le monde avec encore plus de questionnements sans fin sur tout, donc une grande source de bonheurs aussi!!!!Pour résumer, une psychothérapeute me disait qu’il fallait presque 2 fois plus d’énergie pour élever et éduquer un enfant “précoce ou surdoué”…alors imaginez quand vous avez plusieurs spécimens à la maison!!!il faut avoir les nerfs solides parfois, surtout qu’ils ne réussissent pas si souvent que ça leur scolarité, trop souvent en échec scolaire, avec une Ecole traditionnelle qui ne leur convient souvent pas très bien…j’en sais quelque chose en tant qu’instit’ qui fait école à la maison pour la dernière…
Henri Sequeira
Bonjour,
Oui, il en faut de l’énergie, et beaucoup de discernement. Dans votre cas, avec plusieurs enfants, la demande doit être très intense. On suppose que les écoles hors-contrat sont plus réceptives à ce sujet, mais ce n’est pas forcément le cas et les choses sont souvent considérées sous l’angle du problème. N’oublions pas cette “grande source de bonheur” que vous évoquez et cette formidable opportunité de “grandir” avec l’Enfant. Pour votre famille, je me permets de porter à votre connaissance, les centres Cogitoz (Paris, Avignon et Marseille) : ils organisent des ateliers pour les primaires notamment, et proposent une aide pour les parents. Merci beaucoup pour ce témoignage et Bonne suite à vous! @++