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En conférence à Paris en 1949, Maria Montessori prononce un discours qui fait la mise au point sur le rôle de l’éducateur dans l’installation de l’ambiance de la classe et dans la libération de la discipline intérieure chez l’enfant.
Dans le prolongement de la formation de l’éducatrice, ce texte vient apporter des éléments de réflexion ainsi que des pistes qui permettront de faire le lien entre les principes théoriques et la pratique de l’éducateur dans la classe, au contact des enfants.
Nous proposons dans cet article une lecture analytique de ce texte ainsi qu’une reproduction du texte original, en libre téléchargement.
Éléments de compréhension
Les conditions de la Renaissance de l’Homme
Maria Montessori débute son texte, une fois n’est pas coutume, avec la maîtresse. Pour autant, elle la relie immédiatement à la question de l’ambiance. La question de l’ambiance est révélatrice de la nature profonde de l’Homme. Elle se montre à voir à travers la période sensible de l’ordre de l’enfant. Elle donne la discipline intérieure à chaque individu et à la communauté que forment ces individus.
La maîtresse dont il est question dans ce texte, est la maîtresse inexpérimentée face à la nécessité de faire naître cette discipline intérieure. « Faire naître », mettre au monde, mettre en vie, créer l’environnement propice pour engendrer, faire apparaître ce qui est latent, en attente. La maïeutique de Platon dirait que la maîtresse a pour mission d’accoucher les âmes. La maîtresse inexpérimentée n’y parvient pas. Pourquoi ?
La maîtresse inexpérimentée fait une mauvaise interprétation du principe du « libre choix. » Le libre choix ne correspond pas à une passivité de l’éducateur. L’aide utile est une aide, donc en rien une attitude passive. Ici la maîtresse efface malheureusement sa personnalité. Alors que l’éducateur, tout silencieux qu’il puisse être, se doit d’être un contenant, notamment par les regards et toute sa présence.
La maîtresse inexpérimentée fait une mauvaise utilisation du matériel en le mettant en quantité, à disposition. Elle n’a pas suffisamment pensé le matériel et respecté le principe de l’unicité : un matériel par enfant. L’appréhension de cette maîtresse inexpérimentée à être dépassée lui a donné à trop laisser filer, à perdre le contrôle. A trop vouloir bien faire… « oui mais le mieux est l’ennemi du bien »
Le but de ce texte est clairement exprimé : être un guide pratique, permettre à la théorie d’être bien appliquée. Ce n’est pas la théorie qui est à mettre en doute en cas de difficultés et problèmes, mais les pratiques.
Le processus à l’œuvre
La discipline est un but à atteindre. L’enfant n’est pas né avant d’être accouché. L’enfant est en gestation avec son horme, ses nébuleuses, ses tendances auxquelles correspondent les périodes sensibles, mais les conditions favorables à son existence sont à donner. C’est l’exercice utile qui est à mettre à disposition, celui qui comprend aussi le contrôle de l’erreur. L’enfant s’oublie lui-même alors. Il s’oublie par le centrage sur lui-même, il se retrouve en fait. Il est dans l’intériorité et oublie le superfétatoire qu’est la valorisation de soi dans le regard de l’autre. Il abandonne le fait de répondre à une attente extérieure à lui. Cela ne veut pas dire que cela lui apprend à se couper des autres car le but est sa normalisation et donc le développement social.
Les enfants concentrés sont des conquérants. Je suis sûr de moi-même, par moi-même et pour moi-même dans le monde qui m’entoure. Ainsi, s’exprime l’âme divine qui est en l’homme : l’homme créateur. L’enfant de 3 ans combattant contre un environnement qui réprime ses forces et ses tendances intérieures est une âme repliée. Il est entravé par manque d’exigences de l’éducateur qui empêche l’aide utile. C’est une libération qu’il doit apporter face à des chaînes aliénantes. C’est la combinaison du cadre théorique et du cadre pratique qui donnent à déjouer l’oppression.
L’éducateur doit « avoir la capacité à distinguer les simples impulsions de l’énergie spontanée. » Elles ont en commun la volonté de l’enfant mais les finalités ne sont pas les mêmes. L’énergie spontanée a pour finalité la construction de soi et répond aux besoins de l’ordre, du mouvement, du langage et du développement social. L’éducateur doit savoir «discriminer le physiologique du pathologique.» Le guide pratique, pierre d’angle du texte, aide à ces discriminations.
Il est un enfant au stade du chaos : ses mouvements volontaires sont désordonnés, il est dans l’incapacité de fixer son attention sur les choses vraies, il a tendance à l’imitation. Ce sont alors des exercices de développement du mouvement exact et des exercices de vie pratique qui lui sont alors présentés.
L’éducateur fonctionne forcément par tâtonnements : « le bon maître, est un individu, non une machine à administrer des médicaments ou à appliquer une méthode d’éducation. » Un enfant se jette à terre, tous en font de même. Il n’y a pas eu l’électrochoc qui devait intervenir pour empêcher ce phénomène de contagion. Là, il y a eu erreur de jugement car il n’y a pas eu le faux accord brutal sur le piano, la voix poussée pour signifier l’interdit et le danger : l’appel de la trompette. L’enfant pourra être en éveil aux seules conditions de l’intelligence pratique et donc, de bonnes interventions de l’éducateur.
Mais l’ordre peut être aussi qu’apparent. La préparation indirecte a été mal menée. Les exercices préparatoires ont été éludés. Le principe de répétition n’a pas été respecté. Tout était calme en apparence pour la maîtresse inexpérimentée. L’ambiance s’est dégradée. Le mouvement inutile a aussi causé le désordre, la maîtresse s’est agitée avec des déplacements sans finalité et a tourné le dos à la classe. La bienveillance à tous n’était plus.
L’autorité de l’éducateur est le pivot pour la renaissance de l’esprit.
Le résultat et les perspectives
C’est à la naissance de la concentration (« aussi fragile qu’un tendre bourgeon ») quand l’enfant y entre et en sort que l’éducateur peut observer la renaissance de celui-ci qui ne cherche alors ni l’approbation, ni l’appropriation mais manifeste son éveil du sens social, l’amour et le bonheur.
Le libre choix est une discipline. Il a des conditions nécessaires. Le choix doit être fixé, orienté, déterminé : « le choix et l’exécution sont les précieuses prérogatives de l’âme libérée. » Le choix fixé et l’exécution autonome. La discipline s’établit comme une paix active, un sentiment de sûreté et une certitude, l’amour du travail fait et achevé.
En conclusion, la discipline est un processus naturel : les bourgeons du printemps donnent les fleurs et « les fruits sucrés et rafraîchissants » de l’été. Les enfants sont des créatures de la nature qui révèlent leur nature par l’état social grâce à l’aide utile de l’éducateur, un autre humain (pas une machine) C’est une belle perspective d’avenir d’un modèle autre de société.
Téléchargements
Le paquet à télécharger contient :
- Le livret “Discipline Et Liberté Selon Maria Montessori”
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8 Commentaire
Vysile
Merci beaucoup pour ce discours vraiment très intéressant!
Amitiés
Henri Sequeira
Bonjour Vysile,
Merci pour cet écho. Amitiés. @++
Clotilde
Merci, c’est très intéressant ! Je vais prendre le temps de le lire au calme…
Sandrine Cardon
Merci à vous pour ce commentaire Clotilde.
Je pense que pour mettre en correspondance le texte
d’analyse et le texte de Maria Montessori, il est intéressant de mettre les deux textes l’un à côté de l’autre et mieux suivre
ainsi la chronologie des raisonnements.
Bonne lecture à vous.
Sandrine.
Sinje
Bonjour Sandrine,
Merci beaucoup pour cette réflexion sur le comment du chemin et la valeur du but à atteindre ! Précieux pour prendre du recul et se remettre en question ! Je m’y plongerai.
Bonne journée
Sinje
Sandrine Cardon
Je vous en prie.
C’est le partage et la mise en commun
de nos réflexions qui nous apportent à tous
de l’aide à renforcer chaque jour nos pratiques.
Je vous souhaite une belle journée et vous dis à bientôt!
Aline
Merci, je vais communiquer ce lien à mes stagiaires à qui j’ai présenté la pédagogie Montessori, et plus précisément ce thème!
Sandrine Cardon
Nous sommes heureux, Aline, que cela puisse vous être utile pour vos stagiaires.