Share This Article
À l’échelle de l’histoire de l’Art, la primauté du graphisme dans l’enseignement traditionnel tend à laisser l’enfant au stade antique, ignorant des révélations de la couleur et de la lumière.
Expérimenter le mélange des couleurs permet à l’enfant de faire le chemin de cette histoire, à l’échelle de l’individu, et ainsi de révéler des espaces de compréhension propres.
Nous proposons ici de redécouvrir à partir du cercle chromatique, les principes de base de la couleur et de ses combinaisons. Cet article se présente comme un support à l’intention des accompagnants de l’enfance, pour une compréhension globale de la couleur et de ses interactions, afin de créer les conditions de l’exploration libre chez l’enfant.
Apports pédagogiques
- Développement sensoriel
- Auto expérimentation
- Discrimination visuelle
- Vocabulaire
- Culture artistique
Éléments de compréhension
La couleur est une manifestation de la lumière suivant le spectre électromagnétique visible par l’oeil humain. L’ensemble du spectre visible peut être mis en évidence par sa dispersion, possible par le biais d’un prisme, d’une lentille ou d’un dioptre.
Dans la nature, la dispersion de la lumière du soleil par des gouttes de pluie produit le même effet sous la forme de l’Arc-en-Ciel. Les couleurs s’y décomposent de manière continue, partant du rouge dans la partie supérieure de l’arc, au violet à l’intérieur.
Par volonté de cohérence avec la vision religieuse autour du chiffre 7, mais aussi par analogie avec le son ; la gamme musicale comprenant 7 notes par octave, Isaac Newton dans son traité d’optique délimite 7 couleurs dans l’Arc-en-Ciel, en incluant l’indigo. De nombreuses représentations des couleurs de l’arc en ciel font état de six couleurs ; les trois primaires, Rouge, Bleu, Jaune pouvant générer les autres couleurs par synthèse soustractive.
Du point de vue de Goethe, tel qu’il est exposé dans son Traité des couleurs, la couleur est la manifestation d’un obscurcissement de la lumière, partant du jaune : la couleur la plus proche de la lumière, vers le bleu : la couleur la plus proche de l’obscurité. Inversement, la couleur est un éclaircissement de l’obscurité. Le théoricien allemand décrit une dynamique d’intensification (obscurcissement), produisant les variations colorées. L’intensification du jaune donne le rouge, tout comme l’intensification du rouge donne le bleu.
L’histoire de l’Art est aussi l’histoire de cet apprivoisement de la couleur et de la lumière. Le théoricien posera les principes, le peintre en révèlera les effets.
“La couleur est par excellence la partie de l’art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s’adressent d’abord à la pensée, la couleur n’a aucun sens pour l’intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité.”
Eugène Delacroix.
Pour la petite histoire…
Dans les premières manifestations d’art stationnaire connues qui remontent à environ 40.000 ans, dans ce que l’on appelle l’Art rupestre : ayant pour support le rocher, et l’Art Pariétal : fixé sur les parois des grottes, les peintures étaient faites d’os brûlés, de charbon, de sève, de sang, ou de graisses animales. En expérimentant les ressources naturelles, ces premiers hominidés ont également laissé leur empreinte par l’usage de pigments d’origine minéralogique.
Un pigment est une substance dont les molécules ont une propriété d’absorption d’une partie du spectre de la lumière, et une propriété de réémission d’une partie du spectre qui correspondra à la couleur perçue par l’oeil humain. Les pigments sont d’origine minérale ou organique, et nombre de nuances s’obtiennent aujourd’hui de manière synthétique.
Les pigments colorés mélangés avec de l’eau, permettront d’expérimenter directement les combinaisons de couleurs à l’aide d’une pipette. Combinées à un liant acrylique ou de l’eau gommée (gomme arabique), il donneront la matière peinture qui est généralement vendue en tube. En nous reportant à la liste des pigments utilisée en beaux-arts, nous pouvons proposer à l’enfant de faire ses premiers pas en peinture avec ces matières d’origine naturelle.
Principes des combinaisons
Les couleurs primaires
Une couleur primaire, que l’on appelle également couleur élémentaire, est une couleur qui ne peut être créée par le mélange d’autres couleurs. Ces couleurs primaires, mélangées entre elles permettent d’obtenir les autres couleurs du spectre visible.
Dans la synthèse soustractive des couleurs qui s’applique à la peinture, les trois couleurs primaires sont le Jaune, le Rouge et le Bleu. Le mélange de ces 3 couleurs primaires à parts égales, donne le noir . Une combinaison inégale à dominante chaude donnera du brun.
Pour une meilleure visualisation, nombre de théoriciens on présenté les couleurs primaires au angles d’un triangle équilatéral :
Jaune (angle supérieur)
Rouge (angle inférieur droit)
Bleu (angle inférieur gauche)
Les couleurs secondaires
Lorsque l’on mélange deux couleurs primaires à parts égales, on obtient une couleur secondaire. Le Orange est la couleur secondaire issue du mélange des primaires Jaune et Rouge. Le Violet est la couleur secondaire issue du mélange des primaires Rouge et Bleu. Le Vert est la couleur secondaire issue du mélange des primaires Bleu et Jaune.
Pour la représentation des couleurs secondaires, nous reprenons notre triangle des couleurs primaires en superposant le même triangle de base, mais inversé, en figurant à ses angles les couleurs secondaires.
Orange (angle supérieur droit)
Violet (angle inférieur)
Vert (angle supérieur gauche)
On se retrouve avec une étoile des primaires et des secondaires
Lorsque l’on ajoute un tout petit peu de la troisième couleur primaire à une couleur secondaire, on dit que le ton est rompu, elle devient tertiaire.
Les couleurs tertiaires
Un couleur tertiaire résulte du mélange à parts égales d’une secondaire avec la primaire autre que celles qui la composent. Il y a 6 couleurs tertiaires obtenues par le mélange d’une couleur primaire et d’une couleur secondaire voisine :
jaune orangé (jaune + orange)
rouge orangé (orange + rouge)
rouge violacé (rouge + violet)
bleu violacé (violet + bleu)
bleu-vert (bleu + vert)
jaune-vert (vert + jaune)
La nomenclature des couleurs intermédiaires sur le cercle chromatique est assez explicite. Cependant elle recouvrent d’autres appellations dans le domaine des beaux-arts :
Jaune orangé : ocre ou doré ou safran.
Rouge orangé : vermillon ou écarlate ou capucine.
Rouge violacé : pourpre.
Bleu violacé : indigo ou campanule.
Bleu-vert : turquoise.
Jaune-vert : vert chartreuse ou soufre.
Le cercle chromatique
Un cercle chromatique est une représentation conventionnelle, circulaire des couleurs. Également appelée roue des couleurs, elle représente leur successivité en mode horaire cyclique.
L’ensemble des représentations de cet article place le Jaune comme première manifestation colorée suivant l’exemple de Goethe pour lequel, la couleur est un obscurcissement de la lumière et inversement, un éclaircissement de l’obscurité.
Dans cette vision, l’intensification de la couleur produit les teintes successives du cercle chromatique en partant du Jaune, le plus proche de la lumière jusqu’au Bleu, le plus proche de l’obscurité.
Dans d’autres représentations, le rouge est souvent positionné en haut du cercle ou sur la droite. D’autres cercle feront apparaître de nombreuses subdivisions intermédiaires, voire un cercle continu.
La température des couleurs
Il est d’usage de parler de tonalités chaudes pour les couleurs allant du jaune au rouge-violacé sur le cercle chromatique et ainsi, les couleurs froides sont celles allant du bleu-violacé au jaune-vert sur le cercle chromatique. Cependant, le phénomène de relativité, d’interaction des couleurs, nous montre qu’une teinte comme le jaune-vert peut paraître plus froide si elle est placée à côté d’une couleur chaude telle que le rouge et pareillement, plus chaude si elle est placée à côté d’une couleur froide, comme un bleu.
Le contraste simultané des couleurs
Alexandre Dumas dans ses Causeries sur Delacroix parues en 1864, révèle comment le peintre du romantisme Eugène Delacroix fut amené à élaborer sa théorie des couleurs, corroborée un peu plus tard par le chimiste français Michel-Eugène Chevreul, formulant sa loi du contraste simultané des couleurs.
“Delacroix racontait que c’était en peignant Marino Faliero qu’il avait trouvé sa théorie des couleurs. Il lui fallait, pour son doge décapité et ses sénateurs, des manteaux d’or, et il avait inutilement employé les jaunes les plus éclatants : ses manteaux étaient restés ternes. Il résolut d’aller au Louvre étudier les Rubens, pour essayer de ravir à cet autre titan le feu du ciel. Il chargea alors sa camérière, sa gouvernante, sa bonne, sa Jenny le Guillou, d’aller chercher un cabriolet.
Jenny vint au bout d’un quart d’heure annoncer que le cabriolet était à la porte. Delacroix, toujours avare de temps, courut au véhicule demandé. Devant la cabriolet, d’un jaune farouche, il s’arrêta court.
C’était un jaune comme celui-ci qu’il lui fallait ! Dans la position où était placée la voiture c’étaient les ombres qui le faisaient ressortir. Or, ces ombres étaient violettes. Plus besoin d’aller au Louvre ; Delacroix remonta chez lui : il tenait son effet.
De ce jour, il traça sur la muraille un double triangle ; le premier, celui qui était superposé à l’autre, portait à ses trois angles les nom des trois couleurs primitives :
jaune / rouge / bleu
Le second triangle, celui qui était dessous, portait à chacun de ses angles le nom des couleurs secondaires :
orangé / vert / violet
se composant du mélange des deux primitives (…) Il découvrit donc, plusieurs années avant Monsieur Chevreul, la loi du contraste simultané des couleurs.”
Dans la nature, nous avons des exemples de ce contraste maximum par la complémentaire avec notamment le bien nommé flamboyant. Cet arbre originaire de Madagascar qui fleurit dans les régions intertropicales, doit son nom à la couleur rouge -éclatante de ses fleurs. Cet éclat, cette flamboyance s’explique par le contraste maximum qui s’exerce entre ce rouge et le vert du feuillage, sa complémentaire.
Les couleurs complémentaires
La Terre est bleue comme une orange. On pourrait tirer profit de la figure de style de Paul Éluard pour illustrer notre propos sur la complémentarité des couleurs. Une couleur donnée trouve sa correspondance complémentaire avec la couleur qui lui est diamétralement opposée sur le cercle chromatique.
Ainsi, la complémentaire du bleu est le orange, celle du jaune est le violet, celle du vert est le rouge… cela s’appliquant aux autres couleurs du cercle chromatique.
Nous pouvons déterminer une complémentaire grâce à un petit jeu optique faisant appel à la propriété de rémanence des cônes de l’œil. Sur l’image ci-dessous, fixons le cercle bleu pendant 30 secondes, puis portons notre regard dans le carré à droite. Que voyons nous au centre?… Un cercle orange!
On pourra également voir se former un halo orange autour de notre cercle bleu, du fait du mouvement oculaire.
À titre de répère, nous pouvons remarquer que les couleurs complémentaires des primaires sont des couleurs secondaires, elles ne contiennent que 2 couleurs. Inversement, la complémentaire d’une couleur secondaire est nécessairement une primaire. Pour une couleur secondaire donnée, la complémentaire est la troisième couleur primaire. Par exemple, le orange obtenu par le mélange de rouge et du jaune est la couleur complémentaire du bleu, troisième couleur primaire de ce système soustractif.
Usage des couleurs complémentaires
L’utilisation du noir n’est pas approprié pour le création des ombres ou pour assombrir les couleurs comme cela se fait très fréquemment. C’est par le mélange avec sa complémentaire que l’on pourra assombrir une couleur donnée sans la ternir. En cela, l’usage des complémentaires est une véritable révélation pour le peintre en termes de modelés et de contrastes.
En synthèse soustractive, le mélange de deux couleurs a pour effet d’absorber une partie de leur lumière respective. Une couleur obtenue par un mélange d’autres couleurs est nécessairement plus sombre que celle qui la composent. Le mélange à part égales des trois primaires donne du noir ; au centre de notre figure triangulaire. Si l’on trace une droite reliant deux opposés chromatiques tels que le rouge et le vert, cette droite passe par le noir théorique central. C’est l’effet du mélange des complémentaires : pour obscurcir le rouge, on y ajoutera du vert, et inversement.
La relativité des couleurs
En explorant plus avant les découvertes de Michel-Eugène Chevreul et de Eugène Delacroix, il apparaît la notion de relativité des couleurs. Le jeu d’optique ci dessous nous montre une autre application de cette loi. Nous y constatons l’influence qu’exercent les couleurs les unes sur les autres : le carré gris dans son environnement bleuté se teinte de la complémentaire du bleu ; le gris paraît orangé. Or dans notre zone de droite, le carré gris reste neutre dans son environnement neutre.
Téléchargements
Le paquet à télécharger contient :
- Les fiches de nomenclature des couleurs (13 fiches).
- La fiche du cercle chromatique
|
Les Cartes de Nomenclatures sur la couleur par Henri Séqueira est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 Unported.
88 Comments
Phenicia
Mille mercis pour le partage!!