Share This Article
Très tôt, l’enfant est précipité dans la linéarité du temps de l’homme moderne où le futur est l’objet de toutes les tensions. Pourtant, le temps social ne peut se soustraire au temps de la Nature qui se déroule suivant des cycles.
Nous présentons dans cet article, des repères astronomiques, des phénomènes cycliques qui permettront de nous rappeler à notre filiation au cosmos.
L’épanouissement de l’enfant s’inscrit dans cette pulsation naturelle avec ses rythmes spécifiques dans la transformation physiologique et dans son aptitude à acquérir des aptitudes. La prise en compte de ces rythmes détermine une relation éducative fondée sur le respect.
LE SOLEIL
“On ira voir le Soleil se lever”
La perception linéaire du temps domine la pensée commune moderne. L’observation scientifique démontre que tout dans la Nature fonctionne dans des cycles. “Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit”, écrivait Jean Giono. “Ils n’ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l’homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. Que l’on habite au bord de la mer, à la montagne ou dans un centre urbain, être témoin de cette transition de la nuit vers le jour nous donne l’occasion de revenir à cette évidence, en accueillant les premiers rayons du soleil.
“Il est midi! il est temps d’aller déjeuner.”
Midi, le milieu du jour, c’est le moment où théoriquement, le soleil est à son Zénith. Ce marqueur de temps variera suivant notre position sur la terre. À l’équateur, le soleil sera réellement au dessus de nos têtes à midi et notre ombre se dérobera sous notre corps. En France métropolitaine, le soleil présentera déjà une certaine inclinaison qui sera accentuée par les aménagements horaires administratifs (Heure d’été…). L’enfant qui se familiarise avec l’heure solaire, après quelques années d’exercice, sera en mesure de donner l’heure de manière assez précise, rien qu’en interrogeant le ciel, avec une marge d’erreur de 5 à 10 minutes.
“Lorsque cette ombre atteindra le mur…”
Sur les cadrans solaires, c’est par la position de l’ombre que se fait la lecture du temps. Compagnon inséparable de la lumière, elle est en fait son occultation. L’enfance est traversée par ces ombres jetées sur les murs, cette occultation est alors peuplée par l’imaginaire de l’enfant. Lorsqu’il s’agit de sa propre projection, son détourage par la lumière, l’ombre devient alors ludique. Théâtres d’ombres, jeux d’ombres, l’ombre s’apprivoise. On comprend alors que leur course est liée à celle du soleil. Lorsque cette ombre atteindra le mur… tout est possible.
“Nous nous coucherons avec le Soleil!”
Le coucher du Soleil est probablement le moment de contemplation le plus partagé. Malgré les variations quotidiennes, il s’agit d’un repère implacable puisqu’il est soumis au curseur de l’horizon. Le soleil est alors le compagnon idéal pour la motivation de l’enfant à mettre un terme à ses activités. Entre 2 et 4 ans, l’enfant conteste souvent l’interruption de ses jeux par ses parents et la prise à témoin du soleil permet souvent d’adoucir cette rupture en se syntonisant avec l’astre.
La durée des jours diminuera après le Solstice
Le solstice est un événement astronomique qui se produit lorsque la position apparente du Soleil vu de la Terre atteint son extrême méridional ou septentrional. Cela est dû au fait que la Terre en plus de tourner sur elle-même et autour du soleil, bascule suivant son axe au fil de l’année, offrant davantage de rayonnement solaire à une de ses hémisphères, lorsque cette inclinaison est maximale. Les jours les plus longs de l’hémisphère Nord sont les jours les plus courts de l’hémisphère Sud. La tradition de la Saint Jean qui marque le jour le plus long de l’année est encore très vivace en Europe. Ce moment, quand il est célébré de surcroît, constitue un repère de changement pour l’horloge sensorielle de l’enfant.
L’enfant autour du Soleil
Le jour de l’anniversaire de l’enfant, la terre entame une nouvelle révolution autour du soleil. La pédagogie Montessori propose un rituel très parlant pour cette évocation de la révolution annuelle de la Terre. Au centre d’un cercle tracé avec une corde ou une craie, on dispose une source de lumière symbolisant le soleil ; une bougie par exemple. L’enfant tient un globe terrestre à la main et effectue autant de révolutions autour du soleil que le nombre d’années qui se sont écoulées depuis sa naissance. Si l’enfant a 5 ans, elle fera 5 tours autour du soleil. A chaque tour, un des parents relate les événements marquants de cet âge. Au bout des révolutions, l’enfant peut éteindre la bougie sous le chant des invités.
LA LUNE
“Nous pourrons mieux observer les étoiles à la Nouvelle Lune.”
Le premier croissant visible de la Nouvelle Lune est révélé par le crépuscule à l’Ouest. On remarque alors que l’ensemble du disque de la lune est légèrement visible. C’est la lumière cendrée de la Lune. Ce phénomène survient lorsque la terre, du maximum de sa surface, réfléchit la lumière du Soleil vers la Lune. Pour le spectateur qui serait sur la Lune à ce moment-là, le spectacle sera celui d’une “Pleine Terre”, par analogie avec la “Pleine Lune”. Pareillement, la Lune cendrée est également appelée “Clair de terre”. Le phénomène est observable à l’autre bout du cycle de la Lune, dans sa phase décroissante, à l’horizon de l’Est, à l’aube. La Nouvelle Lune est un moment propice pour observer des objets célestes qui se fondent dans le ciel dès que l’éclairement de la Lune augmente.
“Nous irons camper lorsque la Lune sera gibbeuse.”
Cette promesse faite à l’enfant contient au moins deux particularités : elle est d’abord approximative car la durée de la phase gibbeuse de la Lune est inscrite entre le premier quartier (gibbeuse ascendante) et le dernier quartier (gibbeuse descendante), soit 10 jours environ. Cette approximation autorise une certaine souplesse face aux aléas météorologiques et aux impératifs du calendrier classique. Ensuite, la Lune étant dans la période où elle présente une surface plus éclairée, la période est a priori propice pour une découverte au clair de Lune.
Les Phases de la lune
D’une périodicité proche de nos mois, le cycle de la lune sert de calendrier depuis la nuit des temps. Nous avons pour beaucoup, oublié cette pulsation qui rythmait encore les activités du siècle qui vient de se terminer. La Lune nous est revenue cependant par le jardin, les troubles du sommeil et de l’humeur ; autant de critères qui nous rappellent à nos destins partagés. Si l’on porte attention aux manifestations de la Lune dès le début de sa phase croissante, on remarque, que l’astre sélène réapparaît chaque jour qui suit, un peu moins d’une heure plus tard ; ce décalage quotidien fait basculer la Lune dans le ciel de jour lors de sa phase décroissante. Les veillées spontanées, les fausses nuits blanches, les nuits à la belle étoile sont autant d’occasions de tirer l’enfant du lit pour redécouvrir notre lien intime avec la Lune. Nous sommes coutumiers des couchers de soleils, mais depuis quand n’avons-nous pas vu un coucher de Lune?
LES ETOILES
“À la première étoile, il sera temps de rentrer à la maison.”
Qu’il s’agisse des planètes Vénus, Jupiter ou de l’étoile Sirius dans la constellation du Chien, il est toujours au fil des saisons, un objet céleste qui s’allume prioritairement dans le crépuscule. Après le Soleil et la Lune, Vénus est l’objet naturel le plus brillant dans le ciel terrestre. Sa forte magnitude permet de la repérer facilement à la tombée du jour. Cependant, Vénus, que l’usage désigne comme l’Étoile du Berger est une planète que la proximité du soleil ne rend pas toujours visible. D’autres objets célestes à forte magnitude tels que Jupiter ou Sirius apparaîtront alors prioritairement suivant la saison. Communément, ces astres à forte magnitude sont désignées comme l’Étoile du soir. C’est cette Étoile du soir qui apparaît peu après le coucher du Soleil qui pourra servir de marqueur de temps pour l’enfant. Il conviendra à chacun d’adapter ce repère avec les changements horaires liés à la saison.
“Nous nous coucherons avec “l’Étoile du soir.”
Comme tous les astres, la présence des étoiles dans le ciel dépend de la rotation de la Terre sur elle même et autour du soleil et de l’inclinaison de l’axe de Terre. Ainsi, comme le soleil et la Lune, de nombreuses étoiles se couchent et se lèvent suivant la saison et suivant notre position sur la Terre. D’autres, plus proches de l’axe de rotation de la terre (l’Étoile Polaire pour l’hémisphère Nord et le groupement de la Croix du Sud pour l’hémisphère Sud) restent présentes tout au long de la nuit. Il suffit d’observer les étoiles proches de l’horizon au crépuscule pour s’apercevoir qu’à la suite du Soleil, elles se coucheront. Ayant repéré et estimé le phénomène sur une étoile à forte magnitude, nous pourrons utiliser ce marqueur pour déterminer le moment de transition vers une autre activité ; la lecture de l’histoire qui précède le sommeil ou le moment de se mettre au lit.
“Dès que l’on verra Orion dans le ciel”
Dans l’Hémisphère Nord, Orion est une constellation d’Hiver car elle apparaît sur la voûte céleste d’octobre à avril. Elle est très facilement identifiable par les jeunes enfants à ses trois étoiles alignées (La ceinture d’Orion). Son apparition peut-être le point de départ d’activités saisonnales telles que le ramassage des chataîgnes ou des veillées spécifiques. La Grande Ourse ou Cassiopée sont également des constellations facilement repérables dans le ciel Boréal.
LES VÉGÉTAUX
Aux premières jonquilles
Le printemps astronomique commence avec l’équinoxe de printemps vers le 20 mars dans l’hémisphère nord et vers le 22 septembre dans l’hémisphère sud et se termine avec le solstice d’été, vers le 21 juin dans l’hémisphère nord et vers le 21 décembre dans l’hémisphère sud. Les signes annonciateurs du printemps sont nombreux car l’arrivée de la saison est une renaissance. Le dégel, les premiers bourgeons, les premières jonquilles sont comme des phares au bout de la traversée de l’hiver. Nous sommes pris nous-même dans ce bouillonnement, et nous nous prenons à réorganiser le cosmos. Vide-greniers, nettoyages de printemps, activités physiques, saison des amours, nombre de nos gestes font le deuil de l’Hiver dont le point d’orgue est le Carnaval. L’étymologie de Carnaval souligne le Carne Levare, ce dépouillement de la chair qui permet le temps d’une fête de se retrouver unis au delà de nos codes sociaux. Le symbole du Carnaval est brûlé et aux les cendres de l’Hiver se mèlent celles nos vieilles peaux.
Les Héliotropes
Les plantes soumises au phototropisme conservent une exposition optimale de leurs feuilles en suivant le soleil tout au long de la journée. C’est le cas du jeune tournesol qui se présente à l’Est en début de journée, poursuit l’astre dans sa course dans le ciel et ainsi, vers la fin d’après-midi se retrouve orienté à l’Ouest. On remarquera cependant que dès le début de la floraison, la plante se fixe de manière permanente dans la direction Est/Sud-Est. Faire germer un tournesol dans un jardin, ou même sur un balcon est très aisé. En plus de la magie de la germination, l’enfant pourra observer le phénomène du phototropisme de la plante et ainsi apprécier les liens qui l’unissent aux manifestations de la nature.
Quand la forêt sera rousse
Dans l’hémisphère Nord, l’automne marque la fin des récoltes et le début des labours. Les arbres à feuilles caduques se préparant à la dormance et à la production des bourgeons, les feuilles tombent car les arbres ne peuvent plus les nourrir. Les feuilles, perdant ainsi leur chlorophylle, substance responsable de leur couleur verte, prennent une teinte jaune, orangé, brune ou même rouge. Bien avant que les houppiers ne se dépouillent, les forêts offrent un spectacle flamboyant dont un des exemples les plus marquants est celui des érablières en Amérique du Nord lors du redoux de l’été Indien. L’arbre accomplit sa destinée ; nid, perchoir, ombre, fruits, feuilles, pollen, graines, garde-manger, photosynthèse… Il est un organisme inscrit dans le grand tout. Il se régénère et donne la vie.
L’âge des arbres sur une souche
Sur la coupe transversale d’un tronc d’arbre, on peut observer des cercles concentriques que l’on appelle les cernes de l’arbre. Il s’agit d’un indicateur des périodes de l’arbre car chaque année, il se crée un nouveau cerne de croissance, qui se matérialise par une différence d’intensité colorée entre le bois d’été et le bois d’hiver. En Hiver, l’arrêt de l’afflux de sève ralentit brutalement la croissance del’arbre. Cette période de dormance est marquée par un bois plus foncé. Il suffit alors de compter les cernes de l’arbre pour déterminer son âge. Il est intéressant de voir que le cas ne se pose pas dans les pays tropicaux ; la croissance de l’arbre ne s’arrête pas, car la saisons froide n’est pas aussi marquée que dans l’hémisphère Nord.
EN GUISE DE CONCLUSION
“La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain.
Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons.
Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l’aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu’il s’allonge à travers leur travail, pendant ce qu’ils appellent “toute la journée”; puis qu’il finit quand ils ferment les paupières.
Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs.
Non, les jours sont ronds.”
Le texte Rondeur des jours
de Jean Giono est marqué par ces observations.
5 Comments
vignoles
Bonjour, merci pour vote site, super !!
Mais je suis à la recherche des textes “cours” sur la création du monde jusqu’ à nos jours (l’Histoire en gros) enseigné dans les classes Montessori. Est ce que vous avez ça sur votre site ou sinon où pourrais les trouver ? merci. Virginie
Henri Sequeira
Bonjour Virginie,
Nous proposons un article sur . Le ressources sur ce thème sont assez dispersées sur la toile et essentiellement en anglais. Je vous renvoie sur le site sur lequel sont rassemblés quelques liens sur ces fameuses “Grandes Leçons”. Bonne continuation. @++
pardini
Je me suis inspiré du texte de Giono pour la célébration de l’Arbre sans Fin. Ton site est une source d’inspiration sûre. Merci encore
pardini
Je découvre et je me régale. J’espère arrêter Julie et Mathéo un moment sur ton site
VanessaV
Billet très très intéressant, merci.